L'eau Miraculeuse : fable de Jeannette insurgé suite et fin

Publié le par Jeannette Insurgé

Nous, nous ne pouvons pas mentir, nous pouvons nous tromper, être idiots, méchants, mais quelle que soit notre vraie nature, nous sommes obligés de la montrer !

Eux, ils peuvent sourire et dire des mots doux en poignardant leur victime dans le dos.

Ils peuvent dire des gentillesses uniquement pour soutirer de l’argent à leurs congénères, et je pourrais continuer à l’infini………Commences-tu à comprendre ce que je veux te dire ?

Toi, tu ne veux pas voir ce qui se passe autour de toi, tu refuses de comprendre, tu restes prisonnier de ton passé.

Alors, vois-tu, je viens de te donner une des clés. Maintenant penses, bien à ce que t’a dit le chien, je ne t’en dirai, pas plus. Si tu n’es pas capable de comprendre tout seul, eh bien, tu ne mérites pas la chance qui t’est donnée. Quelque part le mérite t’en revient, mais n’oublie pas que parfois, bien qu’étant méritants, certains n’ont pas la chance de se voir attribuer quoi que ce soit.


Je vais te faire une fleur : la sincérité, la vérité, le courage, l’honnêteté, c’est bien,  mais sans la  faculté d’adaptation et de compréhension, ça ne sert à rien.


Pendant plusieurs jours le petit puits resta morose, il essayait de voir ce que le chien lui reprochait.
Un matin, il faisait beau, il sentit des picotements plutôt agréables sur ses pierres.

 

Le chat, d’un air à la fois tendre et narquois, venait à sa façon le réconforter. Ses beaux yeux d’or le fixaient avec amour et intensité. Ce regard…le petit puits se sentait de nouveau exister.
- Tu ne me fais plus la tête demanda le puits ?
- En aucune façon, répondit le chat, as-tu réfléchi depuis que nous avons discuté ?
- Evidemment, et je me dis qu’effectivement très peu de puits ont pu rester entourés comme moi. Cela n’empêche pas ma tristesse je dois en déduire que j’ai de la chance bien que je ne sache pas pourquoi !

- Tu n’as pas compris ! Pourquoi es- tu triste ? Comme tu l’as dit, tu es très entouré, alors que voulais- tu de plus ?

- Et bien quand je donnais mon eau à tout le monde, je m’étais pris  d’affection pour ces humains, certains, je les aimais, et je pensais qu’ils éprouvaient la même chose pour moi. Au lieu de cela ils se sont détournés de moi, m’oubliant sans aucun remords, et, je l’avoue, cela me fait mal.

J’avais tellement confiance en eux ! Beaucoup d’autres puits sont complètement détruits ! Je me demande par contre ce qui fait que moi et quelques autres soient préservés .
- Eh bien, vois-tu, la réponse, tu viens de la donner. Ton eau tu l’as donnée  avec amour, tendresse, et tu n’attendais rien d’autre en retour. Quand ils ont renié ton eau, qu’as-tu réellement ressenti ?
- Une grande, une immense souffrance, le sentiment de ne plus servir à rien, d’être inutile. Cette source de vie et d’amour qui sortait de moi était          morte,  c’était atroce. J’avais tellement besoin de donner, de partager.
- Oui, je sais que tu dis vrai et ceux que tu as vus aussi bien préservés que toi étaient dans le même état d’esprit .

 

Les animaux perçoivent si bien la sincérité, ils sont venus vers vous, ils ont           pris cette source de vie que toi et les autres apportiez de si grand cœur, et en échange, ils ont apporté, la chaleur, les graines de fleurs, toute la sincérité qu’ils recevaient et qu’ils redistribuaient !

 

- Mais les autres puits, ils avaient bien leur eau eux aussi 

- Oui, mais, vois-tu, sur cette terre il y a une multitude de façons de donner. Il y a ceux qui sont remplis d’amour et donnent avec sincérité. Pour le plaisir de voir heureux ceux à qui ils donnent, ils pensent partager, ils espèrent, en la réciprocité, et quand ils s’aperçoivent que ce n’est pas cela  ils souffrent et ils désespèrent. Il y a ceux, plus nombreux malheureusement, qui ne donnent que pour recevoir les calculateurs, les profiteurs. Il y a ceux aussi qui ne pensent qu’à recevoir en donnant le moins possible, les égoïstes. Ceux qui n’attendent rien, ne donnent rien, à vrai dire, ils passent et se foutent de tout, les indifférents.


VI 

 

Et puis enfin la grande masse, ils se contentent de ce qui passe, pas méchants, pas rêveurs, pas compliqués, ils vivent comme ils peuvent, exploitent ce qu’ils ont sans se poser de questions, de bons vivants dit- on. Ils surmontent la fatalité, subissent et oublient…… ils arrivent à être heureux !

- Alors petit puits cette fois commences-tu à comprendre vraiment ce que le chien veut que tu comprennes ?

- Eh bien, oui, mais vois-tu cela me navre car il y a, je pense des choses que le chien ignore.
- Ecoute, répondit le chat, tu vas pouvoir régler cela, car, regarde, le voilà justement qui arrive ! Je te laisse, petits puits et je sais qu’avec le chien tu es entre de bonnes mains.

Sur ces paroles le chat, de son air majestueux et nonchalant, la queue en panache ses yeux d’or pleins de tendresse, partit en ondulant. On aurait dit, en regardant ses longs poils soyeux, le blé se balançant sous le vent !

 

Arrivé, le chien prit le temps de s ‘asseoir. Il regarda longuement le puits, il semblait attendre, alors le puits se lança :
- Bonjour le chien, j’ai longuement parlé avec le chat. Je crois que je comprends mieux où tu veux en venir. Je vais te faire une confession, après, ma foi, tu me diras …
Alors voilà : quand tout le monde venait chercher de mon eau dans ma jeunesse, je m’étais attaché à ces humains qui gravitaient autour de moi. Certains étaient gentils. Mais il y en avait UN en particulier. Sa personnalité différente était perceptible, toujours en retrait par rapport aux autres. Occasionnellement, il chantait des chansons de Luis Mariano, avec une voix grave et chaude.

Le soir, après que tout le monde fut couché, il venait se réfugier sur la margelle et l’on discutait à bâtons rompus. Il avait des yeux vert couleur de l’eau. C’était un rêveur, un romantique, doux et sincère, il vivait dans son monde à lui, nous partagions ce monde, et l’osmose était totale.


Il s’est passé ce que tu sais, tous ont déserté. Il a suivi, moi je suis resté avec mes regrets, ma peine et ma solitude. Ce fut très dur !

Mais que faire d’autre ? Alors tant bien que mal puisque je n’avais pas le choix, inlassablement j’ai continué.


Il y a trois ans comme d’habitude, j'étais un peu hors de tout. Je vis arriver un homme, il était hésitant, il bredouillait, il n’en revenait pas. Et là, à mesure qu’il parlait la vie revenait en moi, tous les souvenirs remontaient à la surface, c’était LUI !
Il était très ému, ses yeux brillaient de larmes, il me dit :

- C’est incroyable ! A part cette cascade de fleurs qui te recouvre, tu es resté le même !

Il voulait tout savoir de moi, ce que j’avais fait. Se renseignant auprès de ceux qui étaient autour de moi. Incroyable me dit-il je te retrouve comme je t’ai

laissé !

Une pure fraîcheur, tout en toi respire la sincérité, le réconfort. Tu comprends, tu fais partie de moi, tu es ma mémoire, ma thérapie.

Oui je me souviens, il a dit thérapie !
Puis il m’a expliqué. Depuis il ne vit plus, il est malheureux etc....

 

Je savais qu’il était sincère, je revivais avec lui toute cette atmosphère. C’était mon passé qui remontait, enfin je n’avais pas tout perdu comme je le croyais, de nouveau j’avais confiance. C’était merveilleux, miraculeux, je renaissais. Plus personne ne me reconnaissait.

Tu te souviens, tous vous me disiez :

- C’est formidable tu t’es remis à fredonner 

 

Moi enfin j’avais retrouvé l’espoir.

Nous avons repris notre complicité, cela a déplu à notre entourage : Alors la guerre a commencé, ils lui ont mis la pression. Ceux qui l'avaient rejeté, exploité, méprisé.

 

Il ne venait plus me voir qu’ en cachette comme un voleur : pas la force m’a t-il dit de leur tenir tête. Il avait besoin de se ressourcer près de moi. Il était désolé de sa faiblesse mais il ne pouvait pas faire autrement, je devais comprendre.


Une fois de plus rejeté, trahi, et cette fois c’est comme si du vinaigre brûlant avait été versé sur toutes mes plaies, j'avais tout compris !


- Voilà le chien, tu sais pourquoi de nouveau j’ai arrêté de chanter, je suis bête je sais !

Mais comment fait-on pour oublier quand on se sent trahi et abandonné ?

Tu peux me répondre toi ? Comment fait-on pour retrouver la confiance ?

Je me sens si fatigué

Maintenant le chien c’est à toi de me répondre, si tu le peux, moi j’ai beau chercher je ne comprend pas. Je ne faisais de mal à personne, juste un peu     de chaleur, de réconfort, d’espérance, de tendresse, en quoi cela dérangeait « les autres » ?

à suivre

 

 

 

VII

 

 

 

Le chien était assis bien droit, il fixait le puits avec une grande intensité. Ses yeux d’une couleur indéfinissable étaient empreints d’une chaleur réconfortante. Cependant on sentait dans cette chaleur une volonté, une compréhension. Une rage à faire passer un message :

 

- Ecoute, oui tu as eu et tu as encore très mal. Oui le monde est injuste et les humains sont pires que tout. Tu as pu constater que malgré ta douleur ta présence est toujours avenante et appréciée.
Les puits qui ont disparu sont ceux qui donnaient non pas spontanément, mais parce qu’ils pensaient ainsi se faire valoir et en tirer bénéfice, vois-tu c’est simple.
Souffrance + haine + dépit + vengeance = Egoïsme et destruction
Souffrance + tristesse + regrets de ne plus pouvoir partager = Amour et renaissance
Alors ta réponse tu l’as, toi et les autres petits puits préservés ne le sont pas par hasard : vous êtes amour,  la souffrance qui est au fond de vous c’est le signal d’alarme qui vous empêchera à tout jamais de commettre des erreurs fatales.


- Mais enfin le chien, devrais-je toujours accepter de souffrir, et laisser ceux que j’aime me tourner le dos ?


- C’est comme cela, petit puits, regarde les arbres qui donnent tant de beaux fruits, les humains viennent se servir, ils prennent tout. Ils saccagent les arbres pour aller plus vite et en prendre plus.

- Pourquoi crois-tu que ces pauvres arbres ne donnent des fruits qu’une année sur deux ?

- Et bien c’est simple, eux aussi ils souffrent, ils doutent, l’envie d’abandonner leur vient, mais courageusement ils acceptent à nouveau de repartir pour avoir le plaisir de partager.

 

- Mais enfin, le chien, tu n’as pas compris, chacun a ses limites et la dernière trahison que j’ai subie m’a affaibli, et je suis si fatigué.


- Ah oui ?

Les yeux du chien lançaient des éclairs de colère

- Alors écoute bien cela :

Crois-tu que la terre ne souffre pas, qu’elle ne hurle pas de douleur, de rage, de désespoir quand on arrache de ses entrailles les mauvaises herbes qu’elle a nourries et vu grandir avec autant d’amour que si c’était de bonnes graines ?

Néanmoins elle continue.

Tu as le droit de choisir d’abandonner, mais alors ne serait-ce pas renier tout ce  pourquoi tu t’es battu ?
Tu as cru en une mauvaise herbe, et tu l’as affectionnée comme la graine d’une bonne plante.
Tu as la chance d’avoir de nombreux amis qui t’entourent, espèrent en toi, font tout ce qui est en leur pouvoir pour te le prouver.
Tu as gagné le pouvoir de soulager par les vertus de ton eau, les plus belles choses ne naissent elles pas de la souffrance ?
Petit puits accepte de devenir la fleur de ta souffrance, d’éclore, et de t’épanouir enfin !

 

Le petit puits regardait le chien, des vagues se formaient dans son eau formant un curieux tourbillon. Cela faisait remonter de grosses gouttes qui ressemblaient à d’énormes larmes, tout le monde se taisait, le silence était devenu oppressant.


La voix du petit puits s’éleva :

 

- Tu as raison, le chien, bien sûr que je vais encore avoir mal, bien sûr que je ne changerai pas le monde, mais j’ai de la chance, celle de savoir le plaisir qu’il y a à partager, d’avoir des amis merveilleux et sincères alors le chien je te promets de rechanter, de rire. Que mon eau réconforte ceux qui croiront en elle !


Et là il y eut une curieuse soirée, les oiseaux qui chantaient, les fleurs qui embaumaient comme jamais… au point que le chat venu se réjouir de la renaissance en était enivré et tapait sur l’épaule du chien tout en faisant un  clin d’œil aux oiseaux !


Jeannette Insurgé





Publié dans Fables

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